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Les neurosciences affectives et sociales pour comprendre l’expérience humaine
1) Comment les neurosciences peuvent aider à mieux éduquer?
Nous sommes en pleine révolution! Des chercheurs cliniciens comme Catherine Gueguen, Christophe André ou moi, cherchons à faire des ponts entre ce qu’on observe auprès de nos patients et ce que disent les neurosciences. À cet effet, le courant des neurosciences affectives et sociales est fondamental pour mieux comprendre l’expérience humaine.
Précédemment, les neurosciences cognitives ont permis un bel essor pour faire des liens entre la biologie et la psychologie, mais elles sont essentiellement restées cantonnées au fonctionnement cérébral. On a alors bien documenté les processus cognitifs, mais on a oublié les processus émotionnels et affectifs. Or, on attend de la part des enfants et des adolescents des prouesses qu’ils ne sont pas encore capables de réaliser.
En fait, notre cerveau n’atteint sa pleine maturité que dans la quarantaine, car on voit un épaississement progressif du cortex surtout préfrontal – la partie la plus humaine de notre cerveau – jusqu’aux alentours de 45 ans. Après, deux groupes se forment. Un groupe qui va voir cette épaisseur se maintenir tout au long de leur vie et les personnes vivront une vieillesse en santé sur le plan cognitif et affectif. Un second groupe verra l’épaisseur du cortex être altérée et ces personnes seront fortement à risque de développer les symptômes des maladies neurodégénératives.
Donc, il est clair que cela prend plusieurs décennies pour que le cerveau développe l’ensemble de son potentiel. Aussi, il est encore plus clair que les enfants et les adolescents n’ont pas atteint un degré de développement suffisant pour gérer tous les défis qu’ils rencontrent aujourd’hui. Allan Shore a d’ailleurs montré les étapes successives des acquisitions en termes de ressources durant l’enfance et l’adolescence. Cela prend du temps et il ne sert à rien de précipiter les choses.
En résumé, il y a une séquence dans la maturation du cerveau. Durant la petite enfance, c’est le cerveau émotionnel qui prédomine. Durant l’enfance, c’est l’hémisphère droit, la partie du cerveau qui organise les affects. Durant l’adolescence, c’est l’hémisphère gauche qui prend sa place et offre les ressources nécessaires à l’analyse et la logique. Et puis, il faudra encore 25 ans pour que le préfrontal puisse vraiment créer assez de connections entre les aires des deux hémisphères pour que le tout soit optimisé.
On sait également que, et Boris Cyrulnik en parle beaucoup, le cerveau crée quelque 300 millions de synapses par jour durant la petite enfance et l’adolescence si, et seulement si, le jeune se sent en sécurité. Cette sécurité se base sur la qualité du lien entre lui et un adulte – souvent le parent, mais aussi la puéricultrice ou l’enseignant – voire un groupe d’amis durant l’adolescence. Dès qu’il se sent insécurisé, les mécanismes de défense lui permettent de réagir, mais bloquent aussi le processus de maturation cérébrale.
Nous sommes en pleine révolution! Des chercheurs cliniciens comme Catherine Gueguen, Christophe André ou moi, cherchons à faire des ponts entre ce qu’on observe auprès de nos patients et ce que disent les neurosciences. À cet effet, le courant des neurosciences affectives et sociales est fondamental pour mieux comprendre l’expérience humaine.
Précédemment, les neurosciences cognitives ont permis un bel essor pour faire des liens entre la biologie et la psychologie, mais elles sont essentiellement restées cantonnées au fonctionnement cérébral. On a alors bien documenté les processus cognitifs, mais on a oublié les processus émotionnels et affectifs. Or, on attend de la part des enfants et des adolescents des prouesses qu’ils ne sont pas encore capables de réaliser.
En fait, notre cerveau n’atteint sa pleine maturité que dans la quarantaine, car on voit un épaississement progressif du cortex surtout préfrontal – la partie la plus humaine de notre cerveau – jusqu’aux alentours de 45 ans. Après, deux groupes se forment. Un groupe qui va voir cette épaisseur se maintenir tout au long de leur vie et les personnes vivront une vieillesse en santé sur le plan cognitif et affectif. Un second groupe verra l’épaisseur du cortex être altérée et ces personnes seront fortement à risque de développer les symptômes des maladies neurodégénératives.
Donc, il est clair que cela prend plusieurs décennies pour que le cerveau développe l’ensemble de son potentiel. Aussi, il est encore plus clair que les enfants et les adolescents n’ont pas atteint un degré de développement suffisant pour gérer tous les défis qu’ils rencontrent aujourd’hui. Allan Shore a d’ailleurs montré les étapes successives des acquisitions en termes de ressources durant l’enfance et l’adolescence. Cela prend du temps et il ne sert à rien de précipiter les choses.
En résumé, il y a une séquence dans la maturation du cerveau. Durant la petite enfance, c’est le cerveau émotionnel qui prédomine. Durant l’enfance, c’est l’hémisphère droit, la partie du cerveau qui organise les affects. Durant l’adolescence, c’est l’hémisphère gauche qui prend sa place et offre les ressources nécessaires à l’analyse et la logique. Et puis, il faudra encore 25 ans pour que le préfrontal puisse vraiment créer assez de connections entre les aires des deux hémisphères pour que le tout soit optimisé.
On sait également que, et Boris Cyrulnik en parle beaucoup, le cerveau crée quelque 300 millions de synapses par jour durant la petite enfance et l’adolescence si, et seulement si, le jeune se sent en sécurité. Cette sécurité se base sur la qualité du lien entre lui et un adulte – souvent le parent, mais aussi la puéricultrice ou l’enseignant – voire un groupe d’amis durant l’adolescence. Dès qu’il se sent insécurisé, les mécanismes de défense lui permettent de réagir, mais bloquent aussi le processus de maturation cérébrale.
2) Quels sont les impacts pour les jeunes lorsqu’on leur demande des choses pour lesquelles ils ne sont pas encore biologiquement prêts?
On a cru depuis les années 1970 que tout se jouait avant 6 ans. S’il est vrai que le cerveau crée beaucoup de synapses durant la petite enfance, on a cru qu’il fallait stimuler continuellement les enfants. Or, on les a sans doute trop stimulés. Au départ, c’était avec des adultes ou les pairs. On voyait moins les effets problématiques d’une surstimulation, car le lien sécurisait le jeune.
Aujourd’hui, on se rend compte que les écrans ont pris trop de place. L’enfant joue moins corporellement, il devient plus maladroit. L’écran déclenchant beaucoup de dopamine dans l’aire cérébrale du plaisir, l’enfant est ainsi moins attiré par des jeux comme les légos, les figurines, les morceaux de bois, etc. Il a donc perdu beaucoup en termes de développement psychomoteur.
Une étude publiée en 2018 a montré, au Québec, que 28% des enfants avaient, à l’âge de 4 ans, des difficultés dans au moins une des cinq sphères de son développement. C’est 7% plus élevé que la dernière étude épidémiologique publiée en 2012. Pire, on constate qu’une fillette sur cinq rencontre des défis, mais c’est un gars sur deux. On est en train d’échapper les garçons…
Bien sûr, il y a plusieurs facteurs qui expliquent ces statistiques, mais les écrans jouent un rôle pernicieux dont on commence seulement à comprendre les effets. Par ailleurs, les approches normatives, souvent inspirées des techniques cognitivo-comportementales et basées sur le langage verbal, ont aussi leur part de responsabilité, surtout auprès des garçons. En cause, le manque de mouvement et la croyance que la communication ne se base que sur le verbal.
Ainsi, faut-il s’étonner qu’on diagnostic 23% des jeunes avec un trouble de l’attention a/s hyperactivité et que 15,1% des élèves de 12 ans doivent prendre de la Ritaline pour fonctionner à l’école ? Si ce sont majoritairement les garçons qui reçoivent ce diagnostic, les adolescentes se voient surtout suspectées de dépression et de bipolarité, voire de comportements bordeline! C’est le prix que, collectivement, nous payons pour avoir voulu trop forcer les choses…
3) Quelle serait la meilleure pratique pour un cerveau en pleine forme?
Les études scientifiques ont mis en évidence des habitudes de vie pour que le cerveau soit en forme: avoir une attitude positive face aux aléas de la vie, canaliser le stress et l’anxiété de manière constructive, développer des relations sereines, maintenir des activités intellectuelles et s’éloigner de la nourriture industrialisée, ainsi qu’utiliser les événements comme des opportunités pour apprendre et développer de meilleures ressources affectives et sociales!
Joel Monzee,
Pédagogue, psychothérapeute et psychomotricien, mais surtout docteur en neurosciences. Spécialisé aussi en éthique clinique, il a publié dix livres, dont trois qui traitent des neurosciences et de la psychothérapie. Aujourd’hui, il forme des enseignants et des professionnels de la santé pour leur permettre de mieux accompagner les jeunes grâce aux neurosciences affectives et sociales.
Pédagogue, psychothérapeute et psychomotricien, mais surtout docteur en neurosciences. Spécialisé aussi en éthique clinique, il a publié dix livres, dont trois qui traitent des neurosciences et de la psychothérapie. Aujourd’hui, il forme des enseignants et des professionnels de la santé pour leur permettre de mieux accompagner les jeunes grâce aux neurosciences affectives et sociales.
« le cerveau atteint sa pleine maturité vers 45 ans!»